Bonsoir, maestro Lai!
Afin de
commencer notre entretien, je Vous prie
de me permettre de Vous poser une question plus ou moins traditionnelle pour un
musicien. Votre partenaire Claude
Lelouch s'est interessé à la musique
représentée par les bandes de son des dessins animés de Walt Disney. C'est tout
à fait naturel car il a le même âge que ces films, comme Vous, d'ailleurs.
Qu'est-ce qui était la musique de Votre enfance, Monsieur Lai?
- Moi, la
rencontre avec Lelouch s'est faite par l'intermédiaire de Pierre Barouh qui est un auteur des chansons, qui écrit des
chansons, qui est un merveilleux auteur
et qui est acteur également. La rencontre s'est faite lorsque Lelouch
qui n'était pas connu à l'époque, était un jeune réalisateur, était en train de
tourner un film qui s'appelait Une fille
et des fusils. Ce film se passait, se tournait à Saint-Ouen, c'est dans
Paris. Barouh était acteur dans ce
film. Et il a voulu absolument qu'on fasse une rencontre avec Lelouch pour lui
faire écouter une chanson qu'on avait écrite ensemble. Et on l'a fait
écouter... Donc, après le tournage Lelouch nous a invités chez lui. On a
atterri dans son appartement avec bon
accordéon, Barouh, on a commencé a faire
de la musique, on lui a joué une chanson
qui s'appelle L'amour est bien plus fort que nous, et Lelouch a
beaucoup aimé cette chanson, en me disant: “Mais est-ce que vous pouvez me la
garder pour mon prochain film que j'ai dans la tête?” Nous, avec
Barouh, on a dit: “Avec plaisir”. Et ensuite il a demandé: “Est-ce que
ce vous amuserait de faire toute la
musique du film?” Je lui ai dit: “C'est
une chose que je n'ai jamais faite, j'ai fait beaucoup de chansons, mais je
n'ai jamais écrit musique de film, c'est
quand même un domaine qui est un tout
petit peu particulier et réservé à certains connaisseurs de musique.” Il m'a
dit: “Moi, voilà ce que je souhaite, ce sont des thèmes. Facilement reconnaissables, facilement
mémorisables et qu'on puisse surtout
décliner dans plusieurs styles musicaux. C'est-à-dire que si vous avez
réussi une belle mélodie, mélodie qui tient la route, on va pouvoir la décliner
en musique symphonique, en musique de jazz, en musique quartet, c'est-à-dire
qu'on va pouvoir se servir de cette musique pendant la tournée du film. Et
c'est pour ça que la musique est
enregistrée définitivement avant le tournage des films. Et je pense que Claude
Lelouch est un des seuls à faire ce genre de programmation, c'est-à-dire que la
musique est enregistrée avant le tournage du film.
Alors, moi, c'était très éclectique comme musique. Moi, j'ai beaucoup aimé la musique
classique, au départ, parce que mes
parents aimaient ça, c'étaient les opéras, les opéras italiens, de Puccini, Verdi. Mais c'était la variété
française également que j'aimais
beaucoup, et puis, surtout le jazz. J'ai
commencé, si vous voulez, la musique avec un professeur qui était un grand jazzman et avec qui j'ai fait mes premières armes
jazzistiques. Voilà, donc, j'aimais beaucoup la musique
brésilienne, je n'avais pas de musique particulièrement ciblée. C'est-à-dire
que chaque fois qu'il y avait des musiques qui
me faisaient vibrer, parce
que je trouve que la musique c'est une
façon de recevoir des sentiments profonds, c'est-à-dire que la musique est
faite pour donner des émotions et c'est
ce que je me suis toujours efforcé de faire, c'est-à-dire, essayer de donner une
émotion avec la musique. Donc, je suis très ouvert à toutes sortes de styles
musicaux, ce qui me facilite la chose dans les musiques de film qui a besoin
des fois d'éléments qui sont
complètement différents. On peut très bien avoir dans un film une musique
folklorique indienne, avoir une musique classique de ballet, on peut avoir
toutes sortes de musique, toutes sortes d'événements qui sont indispensables
pour la musique de film.
Votre
premier grand projet est devenu Votre travail avec Edith Piaf, reine de
chanson, légende de la ville de Paris des années cinquante. Votre accordéon lui
a offert de nouvelles chansons comme on offre des bouquets de lilas. Est-ce que
Vous vous entendiez bien avec la diva qui ne cachait point d'avoir un mauvais
caractère, d'aimer boire un coup d'alcool fort et d'avoir été élevée dans un
bordel? Aviez-Vous à vous adapter à elle ou bien Vous avez trouvé en Edith l'âme sœur?
·Edith
Piaf, ca a été le départ, si vous voulez... Moi, j'écrivais beaucoup de
chansons, quand je suis arrivé à Paris.
Je suis arrivé à Paris dans les années cinquante et j'habitais sur la
butte Montmartre. Sur la butte Montmartre il y avait énormement de chanteurs, de chanteuses, de
peintres... Et tous ces gens, on se
retrouvait tous dans un espèce de club
qui s'appelait la Taverne la Piliaux. Et on se réunissait le soir, il y avait
un grand piano à queue et les gens se mettaient au piano, on faisait de la musique, on composait, on écrivait les textes, et ça a été un
libre-rencontre très, très important, puisqu'un soir on a eu la surprise
d'avoir Piaf qui vient écouter le tour
de chant du chanteur qui s'appelait
Mouloudji pour qui avec Bernard Dimey on avait écrit toutes ces chansons, pour
son tour de chant. Et Piaf voulait que ce chanteur fasse la première partie de
l'Olympia avec elle. Et donc, elle est venue, elle a
écouté le tour de chant et en partant, elle a dit: “ Mais voilà , venez prendre
un verre à la maison, toute l'équipe.” Il y avait Bernard Dimey, il y avait
Mouloudji, moi-même, on était sept ou huit qui iraient chez Piaf . Et là, on a
commencé a faire de la musique. Et on a fait de la musique toute la nuit! Moi,
je jouais de l'accordéon et elle m'a
dit: “Vous avez une façon de jouer de l'accordéon que j'aime bien. Est-ce que
ça vous amuserait d'être mon deuxième accordéoniste? Le premier était Marc Bonel,
qui, lui, était immuable.” Et je dis: “Mais avec plaisir!” Et elle me
dit: “J'aimerais également que vous
m'écriviez des chansons.” Voilà comment j'ai rencontré Edith Piaf qui m'a mis
vraiment le pied à l'étrier, en me donnant la chance de pouvoir lui écrire des
chansons et l'accompagner à l'accordéon.
Piaf et moi... avec moi, ça a toujours été un plaisir énorme de travailler avec
elle parce que je savais: quand je lui montrais une chanson, elle faisait le
maximum. Et je n'aurais jamais pu souhaiter
une interprétation plus exceptionnelle que celle de Piaf. Il ne faut pas oublier que Piaf, cinquante
ans après, est toujours la première diva française, elle est connue dans le
monde entier et elle reste ce personnage qui est intouchable.
Intouchable, et on ne peut pas l'imiter.
On l'imite, mais ce ne sera jamais l'original. C'est Piaf, elle restera
toujours l'eternelle Piaf.
Dans Votre
jeunesse c'était le jazz qui prédominait. Plusieurs musiciens qui avaient
commencé leur travail dans ce genre, lui sont restés fidèles. Par exemple, Legrand, il n'est romanesque
nulle part, sauf dans le film les
Parapluies de Cherbourg. C'était Votre jeunesse aussi. Pourquoi n'avez-Vous
pas suivi les pas de Legrand, pourquoi avez-Vous préféré le style de Chopin et de Schubert?
·Les styles
de musique, on peut les varier. Moi, je sais que quand je faisais, quand
j'étais un soliste dans un orchestre, ce que j'aimais effectivement, c'est de
faire des chorus de jazz. Parce que
c'était quelque chose que j'aimais
beaucoup. Mais quand j'écoute la musique, moi, j'adore écouter des concerts symphoniques, j'écoute les
concertos de Rachmaninov, j'écoute les symphonies de Beethoven, Prokofiev,
j'écoute mon préféré, c'est le Sacre
du Printemps de Stravinsky que je
trouve un chef-d'œuvre de notre siècle.
Donc, voyez, je suis très, très, très ouvert à toutes sortes de musique
à partir du moment ou elle me touche.
J'adore Chopin, bien sûr, ce serait triste de ne pas aimer Chopin.
Chopin c'est le romantique le plus pur. Schubert, Schumann, tous ces grands
classiques ont tellement apporté à la musique, ils restent des immortels, ce
sont des immortels.
Le
magazine «CINEZIC.fr» Vous avait baptisé en plaisantant “le rêve des
jardiniers” d'origine italienne. Nos rêves et nos pensées avaient rêvé de Vous,
mais Vous ne tenez pas trop à vous matérialiser, Vous ne donnez pas beaucoup
d'interviews. Pourquoi? C'est parce que des gens vosent les mêmes questions et Vous
ne désirez pas répéter la même chose? Ai-je deviné?
·Oui, c'est
un peu ça. Normalement, bon, je n'aime
pas, c'est très difficile de parler de soi-même parce qu'on a l'impression
d'être un peu narcissique, de parler de soi
c'est toujours très ennuyeux. Je préfère que ce soit quelqu'un d'autre
qui parle de ce que je fais, plutôt que ce soit moi qui me raconte parce que je suis très timide,
vous ne savez pas, mais je suis très timide.
Et je n'aime pas trop m'exposer justement aux interviews parce que c'est ce côté un peu narcissique qui ne
me plaît pas trop. Ce que j'aime, c'est être derrière mes
claviers et essayer de trouver des musiques, essayer de trouver des
melodies, essayer de trouver des
marches harmoniques, essayer de faire de
la musique. Et ça, c'est mon but,
ça, c'est ma plus grande passion parce
que la musique, pour moi, est une
passion.
Tout
musicien s'explique et s'exprime dans la
musique. Mais pas rien que ça. Vous et Lelouch, intuitivement, en débutant,
vous avez créé la musique si simple, si
pure et si profonde qu'elle peut etre comparée à l'équation mondialement connue
E égale m c carré. Il est clair que Vous avez eu de parfaits
professeurs. Je peux en citer deux tout de suite, ce sont Franz Schubert et
Frédéric Chopin. Pourriez-Vous nous en
nommer les autres?
·J'avais
déjà nommé pas mal, d'ailleurs... Prokofiev, Beethoven... Bien sûr, le maître
de tous c'est Bach, Johann Sebastian
Bach. Mozart... Qui je peux citer encore?..
Mendelssohn... Il y a des œuvres de Mendelssohn qui sont superbes.
Tchaïkovsky, bien sûr, Tchaïkovsky... Tous les Chostakovitch... La symphonie
numéro cinq de Chostakovitch est un chef-d'œuvre. Maler qui est un de mes
compositeurs préférés également. Donc,
vous voyez qu'il y a beaucoup de possibilités d'écoute. Malheureusement, on n'a pas le temps de tout
écouter parce que tous ces compositeurs, ces grands compositeurs ont écrit tellement d'œuvres majeures, tellement
d'œuvres exceptionnelles qu'il faudrait deux ou trois vies pour pouvoir les
écouter.
Maintenant
quelques questions concernant la plus
connue, peut-être, musique de film que
Vous avez créée.
La musique
est un acteur supplémentaire dans un film, c'est ça qui est unique dans Votre
travail avec Claude Lelouch. Vous écrivez la musique sans voir
les épisodes tournés, sans voir l'image, et au cours du tournage les
acteurs s'adaptent à la musique qui est
déjà écrite. Cela permet d'obtenir l'image exceptionnellement naturelle.
Travaillez-Vous
toujours de cette manière ou bien Vous
ne le faites qu'avec Lelouch?
·Non, c'est
pratiquement avec Lelouch. Avec les autres metteurs en scène, ils vous
appellent quand le film est terminé,
donc, on travaille. Mais si vous voulez, j'essaie de faire une abstraction de l'image
pour ne pas faire un doublant avec la musique et l'image, je trouve
que la musique, si elle est là, elle doit apporter l'élément supplémentaire
et complémentaire au film. Que Lelouche la considère comme un acteur, je
pense que c'est la bonne définition. La
musique est un acteur dans le film. Elle
joue son propre rôle. Et elle apporte ses
éléments, elle apporte sa couleurs;
d'ailleurs, si vous manquez, vous pouvez détruire un film avec la musique, si elle est à côté de l'image. Donc, il faut faire très attention parce
que c'est très delicat, la musique donne
tout de suite l'atmosphère, l'ambiance et la couleur du film.
Votre
conception de la musique avant et après le tournage est presque toujours la même. Cela ne veut-il
pas dire que Vous remplacez Lelouch en
quelque sorte? Ne trouvez-Vous pas que la musique et le film se rivalisent?
·Non, pas
du tout. Justement, c'est le contraire
qui va se passer. Il faut que la musique
et le film soient un mariage total,
soient un mariage complet par lequel on
peut le jour où vous entendez, par exemple, quelques notes de
musique, et vous pouvez dire: “Tiens, ça, c'est le film... “ Par exemple, si vous entendez
“ta-de-da-da”: “ Mais ça, c'est la musique de Westside
Story!” Vous voyez ce que je veux
dire? La musique est également un
repère très, très important pour le film. Et le film, de l'autre côté, est important pour la musique, c'est certain,
parce que s'il n'y avait pas le film aux histoires, on ne pourrait pas écrire
la musique qu'on a écrite. Quand on écrit une
musique, il faut qu'elle soit,
qu'elle fasse partie intégrante
du film, même si cette musique ne souligne pas les effets qu'il y a dans le film.
Est-ce que
Lelouch Vous a souvent prié de refaire Votre musique de film? Est-ce qu'il
possède sa propre vision musicale du film?
·Oh, non,
il nous arrive d'améliorer, il nous arrive parfois de garder une phrase qu'il aime bien et de l'enrichir,
de s'en servir beaucoup plus qu'on peut en faire au départ. Moi, si vous
voulez, quand je lui montre un thème,
quand je lui montre une musique, j'ai écrit avant de lui montrer au moins dix ou douze musiques, avant de lui
montrer celle que je pense qui va aller
dans la couleur de ce qu'il souhaite.
Mais au départ il me donne quand même quelques repères. Par exemple, dans le film Itinéraire
d'un enfant gâté il m'a demandé, en
partant, il m'a demandé: “Voila, Francis, ce que je souhaiterais, c'est une musique de cirque.” Donc, il
fallait que je trouve l'amalgame de
styles de musique, c'est-à-dire qu'il y
ait en fond toute symphonie classique et par-dessus une mélodie qui
fasse penser au cirque parce que le film s'y passait, il y avait une histoire
de cirque. Donc, il fallait que deux musiques, deux styles de musique se marient et c'est ce qui était le plus difficile à trouver, bien sûr.
Lelouch a
dit un jour que la musique peut devenir
dans un film un acteur et un metteur en scène. Mais il existe des films sans
musique. Qu'en pensez-Vous? Que
pensez-Vous de la musique d'ambiance qui
est destinée à combler des lacunes et des vides?
· Mais
chacun est libre de pensez ce qu'il
veut. Si un metteur en scène, un
réalisateur pense que son film se suffit à lui-même sans musique, pourquoi pas?
Moi, je pense que la musique de film est née avec l'image, la musique pour le premier film L'Assassinat
du duc de Guise a été écrite par
Camil Saint-Saëns qui est un immense
compositeur français. Donc, la première musique de film, ça a été quand même un grand compositeur de musique
classique qui l'a écrite. Ensuite il y a eu tous les films muets avec
l'accompagnement de piano à l'image.
Tout est permis, si vous voulez. Rien n'est interdit. Si un metteur en
scène désire ce que son film soit sans
musique, uniquement avec des dialogues, pourquoi pas? Mais moi, je pense qu'il manque un élément
majeur. Parce que je pense que la
musique est un élément majeur dans le cinéma.
Que
pourriez-Vous dire à propos de Votre travail pour le film Ces
amours-là, pourriez-Vous commenter le pourquoi du fait que Lelouch avait
demande à Legrand d'écrire la musique
pour la version américaine? Pourquoi ne pas faire inversement? Peut-être que le
goût des Americains tend à apprécier plutôt
la musique écrite dans le style de jazz, tandis que les Européens
préfèrent la musique plus mélodique?
·Puis, je
n'ai pas exclusivité totale avec Lelouch. Lelouch, si demain il a envie de
prendre un autre compositeur, il est libre de prendre un autre
compositeur. Moi, j'ai bien travaillé
avec d'autres metteurs en scène, j'ai travaillé avec un metteur en scène italien
qui s'appelait Dino Risi, j'ai travaillé avec d'autres metteurs en
scène, donc, je ne vois pas pourquoi Lelouch
se priverait de travailler avec d'autres compositeurs, on n'a pas une
exclusivité totale. On aime travailler ensemble, il y a une grande amitié qui s'est liée entre nous, ça fait
50 ans qu'on travaille. C'est-à-dire, cette année on fête notre
cinquantenaire de collaboration, ce qui est, je crois, unique dans les annales
du cinéma.
L'histoire
pareille avait lieu avec le projet italo-soviétique La Tente Rouge ou le public
russe écoutait la musique écrite par Alexandre Zatsépine et le public européen
avait le droit à Morricone. Est-ce
normal pout un compositeur
d'accepter cette double autorité?
- Vous savez, nous avons tourné le
film Les uns et
les autres, ou la moitié du film, toute la partie américaine a été écrite
par Michel Legrand et toute la partie
européenne, c'est moi qui l'ai écrite.
Donc, on a travaillé ensemble et cela s'est super-bien passé.
Maintenant, Michel Legrand, je le considère vraiment comme un très, très grand
compositeur de musique de film.
Comment
doit être un scénario pour que Vous acceptiez d'écrire une musique pour
le film? Par exemple, pourquoi avez-Vous
consenti à travailler avec le metteur en scène russe Nikita Mikhalkov pour son
film Les Yeux Noirs?
·J'adore ce
film. Déjà, quand on l'a proposé, j'étais déjà aux anges parce que je connaissais déjà ce que faisait ce grand
metteur en scène. Et en plus, avec l'apport de Mastroianni, qui est un de mes acteurs préférés, ca a
été un vrai, vrai, vrai bonheur de travailler sur ce film. Et ca s'est
superbement bien passé parce qu'on avait plus ou moins, non, on n'avait pas
plus ou moins, on avait les mêmes idées musicales en ce qui concerne justement
toutes les séquences de musique. Lui aussi, il
souhaitait avoir les musiques qui ne soient pas, qui ne soulignent pas
les effets, il voulait une musique qui donne une atmosphère à son film. Et
donc, Les Yeux Noirs, ça a été une occasion formidable de
travailler avec ce grand metteur en scène.
Il y
a un phénomène dans la litterature quand
un artiste commence à se copier lui-même.
Ce terme n'existe peut-être pas dans la musique, mais le phénomène
reste. Est-ce qu'il Vous arrive de lutter contre Vous-même si Vous voyez qu'apparaît
la menace de vous plagier?
·Oui, mais
ca, c'est la hantise de tous les
compositeurs, celle de se plagier. Alors,
il faut faire attention à ça, des qu'on sent qu'on va sur des harmonies qu'on a
déjà utilisées, avec les marches harmoniques
qu'on a déjà utilisées, peut-être, des mélodies qui se ressemblent un
tout petit peu, il faut les éviter. Donc,
c'est pour ça que moi, si vous voulez, je travaille énormement,
énormement, c'est justement à cause de
ça, c'est pour éviter justement de se plagier soi-même. Parce que si vous vous
plagiez, ça n'apporte plus rien à la musique.
Moi, j'essaie... Si vous écoutez plus ou moins les trente films de
Lelouch, vous allez voir qu'il n'y a pas une seule musique qui soit dans le
même esprit. Chaque film est personnel,
j'espère, au moins, que chaque musique que j'ai faite ait sa propre personnalité,
ait sa propre signature. Voilà, c'est ce
que je souhaite de faire dans le métier que je pratique.
On peut
dire qu'au “début des siècles” la
musique de film avait été enregistrée par des orchestres symphoniques, parfois
même très nombreux. A présent, c'est l'ordinateur qui les remplace auquel on
peut parler la langue des mathématiques. Avez-Vous pu facilement vous défaire
de l'habitude de la musique orchestrale? N'avez-Vous pas de problème de parler
la langue de maths? C'est très compliqué pour certains musiciens bien qu'on
croie que le jeu en vaut la chandelle.
Ecrivez-Vous
toujours Votre musique sur papier ou
bien vous servez-Vous du logiciel électronique?
·Non,
j'écris sur le papier, j'écris sur les ordinateurs, ça ne me gêne pas du tout. Vous
savez que vous pouvez avoir le plus grand, le plus bel ordinateur du monde et
si vous n'êtes pas musicien, lui, il ne va pas vous donner de la musique. C'est vous qui êtes la créatrice
ou le créateur de la musique. Donc,
c'est à vous de donner des informations à l'ordinateur. L'ordinateur,
que'est-ce qu'il fait? Lui, il copie
exactement ce que vous faites. Moi, je fais une mélodie, je la joue, elle
est enregistrée sur l'ordinateur, mais si je n'ai pas fait cette mélodie, lui,
ce n'est pas lui qui va la faire. Donc,
ça facilite certaines choses parce qu'on
peut l'avoir tout de suite comme on a la
possibilité d'avoir tous les instruments sous la main, ça donne la possibilité
déjà d'entendre plus ou moins orchestralement ce que ça peut donner et si, par hazard, il y avait des choses qui
ne vous plaisaient pas, vous pouvez les
corriger très facilement, alors que quand c'est enregistré définif avec les
scores et avec le véritable orchestre, c'est pour ça quand on arrive... Moi, j'adore enregistrer avec un grand
orchestre, mais il faut que tout soit en
place, et tout est définitif, si vous voulez.
Alors que quand on travaille, effectivement, sur les ordinateurs, on peut
modifier les choses, parce que c'est
très facile de modifier, de changer, par exemple, si on a fait un contrechant de hautbois, on
dit: “Si on mettait, à la place du hautbois,
un contrechant de flûte ou des cors?” En ce moment-là, c'est très très
facile, vous savez votre programme Frenchildrone, vous pouvez le faire intstantanément, donc,
voilà l'avantage de la musique électronique.
Un
compositeur a-t-il besoin d'un autre compositeur et dans quelle situation? Vous
avez travaillé ensemble avec Henry
Mancini, Elton John, Roland Romanelli, Jannick Top... La moitié du groupe
SPACE, ce sont Vos partenaires. Il est un peu étrange que Vous n'ayez jamais
collaboré avec Didier Marouani. Est-ce vrai?
·Les noms
que Vous m'avez cités, ce sont des musiciens à part. Jannick Top, c'était un
bassiste, Roland Romanelli, c'était un accordéoniste, Elton John, pour lui, j'ai fait juste une
chanson, Elton John c'est un chanteur,
qui faisait partie des chœurs. J'ai eu la chance qu'il fasse partie des chœurs
et qu'il chante une de mes chansons, c'était vraiment le hasard, parce que Elton John n'était pas connu, il
n'avait pas de nom à cette époque-la. Il faisait partie d'un groupe de choristes. Alors que les
autres musiciens, ce sont de vrais musiciens, Jannick Top c'est un des
meilleurs bassistes au monde, Roland Romanelli est un excellent clavier, il
joue de l'accordéon à merveille. Didier Marouani a sa propre structure orchestrale, il fait sa
propre musique qui marche très très très bien, qui est très réussie, c'est un
style très particulier qu'il a. Donc, il garde sa personnalité, bravo à Didier!
Je n'ai jamais eu l'occasion de travailler avec lui, ça, c'est vrai.
A la fin
des années soixante-dix Vous avez commencé à travailler ensemble avec Monsieur
Romanelli. Comment cela s'est-il fait? Est-ce vrai que c'était Vladimir Kosma
qui Vous l'a présenté? En Russie on se pose toujours la question concernant
Votre expérience avec M.Romanelli - “Astrolab” 22: est-ce un album musical ou
une bande son accompagnant quelque chose
tout court? Pourriez-Vous, Monsieur Lai, parler de Votre collaboration avec
Roland plus en détails?
·Oui, j'ai
travaillé avec Monsieur Romanelli comme
musicien et accordéoniste. Non, ce n'était pas Kosma qui me l'a
présenté. L'album “Astrolab” c'est justement l'album que j'ai fait avec Roland
Romanelli. C'était le début de tous les synthétiseurs un tout petit peu
avant-gardistes. Et moi, mon rôle c'était de faire une musique justement un peu
spatiale, de l'espace, c'est comme ça que j'ai accepté de faire ce feuilleton
qui n'était pas même pas un film, je ne
me souviens plus tres bien de ce
feuilleton, mais cela m'a donné l'opportunité de faire de la musique
avant-garde, un peu avant-gardiste. C'était pour ça que j'ai accepté. Et là, on
a travaillé pendant pratiquement un mois
avec Roland et on a fait toutes les expérimentations possibles avec les
nouveaux instruments qui venaient de
paraître, c'est-à-dire, beaucoup-beaucoup de synthétiseurs qui n'existent plus malheureusement maintenant,
mais qui à l'époque avaient des sons
très, très intéressants et voilà, qui
ont donné cette musique un peu spéciale. C'est la seule musique que j'ai faite
un tout petit peu spatiale, c'est la seule.
Une fois
Vous aviez dit: “J'aime jouer du piano, mais je ne suis pas showman et je ne le
serai jamais, je crois.” Cela veut-il dire que le maestro Lai préfère rester
invisible?
·Je ne suis
pas fait pour la scène. Il y a des gens qui sont faits pour la scène, qui
adorent la scène. Moi, je panique trop,
dès que je suis sur scène, je commence à trembler, je ne suis pas à
l'aise, cela ne me plaît pas. Cela ne me
plaît pas et à l'âge que j'ai je crois que c'est terminé, vous savez! Donc, voilà ... Ce n'est pas un regret, parce que
j'ai quand même fait … Moi, j'aimais bien être derrière, c'est-à-dire quand
j'accompagnais, par exemple, Piaf, quand j'accompagnais d'autres chanteurs,
d'autres chanteuses, quand je
jouais dans des orchestres, ça allait,
j'ai eu la chance de travailler avec Michel Magne qui était un grand chef
d'orchestre et avec qui j'avais des
solos d'accordéon jazz à faire sur scène
à l'Olympia. Er ça me plaisait bien. Mais d'être soliste... Par exemple, je n'aurais jamais pu alors que j'ai fait
deux ou trois disques chantés, parce que j'aimais bien chanter, mais je n'ai jamais fait de scène en
chantant, ça, voilà, parce que ce n'est
pas mon domaine.
Avez-Vous
jamais eu, Monsieur Lai, l'occasion d'enregistrer Vous-même la musique pour Vos
films?
·J'écris
mes musiques, je les enregistre sur ordinateur avec toutes les possibilités que
je souhaite avoir, ensuite, je donne ces maquettes élaborées, je les donne à un
arrangeur, par exemple, j'ai beaucoup travaillé avec Richter Gobert qui est un
musicien, un grand musicien et qui, lui, orchestre. Donc, il a orchestré
beaucoup de mes musiques, mais toujours en collaboration très serrée, ensemble.
Par exemple, en ce moment-là, il me disait: “Voilà, là, est-ce que tu entends
des cors?” Moi, je lui disais: “En ce moment-là, j'aimerais bien entendre un
contrechant de cors...” On travaillait un tout petit peu en complicité. Et
c'est comme ça qu'on a fait beaucoup de films ensemble.
Est-ce
vrai que Vous trouvez honteux quand la musique
de film soit jouée hors film?
Peut-être que ce n'est pas si mal quand même, vu que le public désirerait entendre Votre musique non seulement devant
l'écran?
·Si la
musique est belle, elle peut être jouée hors film, ça, c'est sûr. D'ailleurs,
c'est ce qui se passe avec beaucoup de
films, avec beaucoup de musiques de Michel Legrand, de Georges Delerues, de
tous les compositeurs. La musique, elle peut, elle peut se suffire à
elle-même, mais moi, je trouve qu'elle
prend toute sa valeur quand elle est
avec le film. Quand on voit, par exemple, les
Parapluies de Cherbourg, je trouve
que la musique, on peut l'écouter, mais on voit les images, c'est encore
beaucoup plus beau. Voilà, l'un sans
l'autre, ça peut toujours se faire, mais
l'un avec l'autre, c'est encore mieux.
Il est
agréable de jouer Votre musique et de l'entendre. La belle musique romanesque
est plutôt normale pour un compositeur français, en tant que preuve de sa
culture. Mais le public, c'est autre chose, le public aime les
expériences. Est-ce que Vous en faites
souvent?
-
Oui, vous savez, dans beaucoup
de morceaux j'ai fait mes propres solos, c'est moi qui les
joue, donc, il n'y a pas de problème,
mais je préfère etre... je préfère superviser, si vous voulez. Je supervise et s'il y a des choses qui ne
me plaisent pas, je peux les corriger, voilà, quand on est en studio, quand on
enregistre avec un orchestre symphonique,
par exemple, moi, je suis derrière le console, avec mes scores, je suis
ce qui se passe et s'il y a des choses qui ne me plaisent pas, je peux les
corriger directement, voilà. Et ca, c'est mon travail. Maintenant, mon premier
travail c'est de trouver les mélodies, de trouver les musiques qui tiennent la
route pour les films, pour que ça aille avec le film et que cette musique
puisse donner une couleur, la couleur que souhaite le réalisateur du film.
Nous avons beau aimer ou détester les changements, ils arrivent malgré notre volonté. La musique change de
formes, il n'y a plus de gens aux yeux d'Anouk Aimée, l'ère des non
professionnels romanesques est terminée par le temps difficile où nous vivons.
Mais au moment où plusieurs gens Vous
ont considéré comme une partie du passé, Vous avez trouvé les forces d'écrire,
sachant trouver de nouvelles couleurs
surprenantes appartenant à toutes les
époques. Les “non professionnels” ont leurs propres idées et les “spécialistes”
– celles des autres. Vous etes un “non professionnel” éternel, au meilleur sens
du mot. Qu'est-ce qui Vous donne des
forces de rester le Francis Lai que nous avons toujours connu?
·C'est la passion.
C'est la passion de la musique, le jour
où il n'y aura pas de musique, je
crois que c'est terminé pour moi, la vie.
C'est un élément vital pour moi.
Je ne pourrai pas vivre sans la musique, d'ailleurs, je ne comprends pas qu'il y ait
encore des fous furieux qui interdisent la musique aux jeunes. Je
trouve que c'est un élément tellement extraordinaire qui apporte tellement de
bonheur, qui apporte tellement de joie,
qui peut vous faire vibrer, qui peut vous donner toutes les sensations qu'un
homme peut avoir, que sans la musique je crois que la vie
serait insoutenable. Moi, je ne me vois
vraiment pas vivre une vie sans musique. Je ne pourrais pas, je ne pourrais
pas... C'est trop important pour moi, ça fait partie des éléments vitaux, ça fait partie de toute la force qu'on peut
avoir et du bonheur... Quand on est malheureux, quand on a des problèmes, on se
met devant un instrument, on se laisse aller, la musique devient une forme de
méditation, et là, on part dans un autre
Univers, dans un autre monde, on vit des choses que je crois que
peut-être beaucoup de gens souhaiteraient vivre, mais qui
malheureusement ne peuvent pas les vivre
parce qu'ils n'ont pas la connaissance de la musique. Donc, je suis très très sensible de ce
côté-la, je ne pourrais pas vivre sans la musique.
Chaque
fois qu'on écoute Votre musique, elle apporte quelque chose de “nouveau”... Je
sais quelle est Votre plus belle mélodie. Et quelle est Votre mélodie préférée
parmi celles que Vous avez créées, Monsieur Lai?
·Ah, vous
savez, on n'a jamais trop le choix... Je
ne peux pas choisir moi-même. Je pense
que c'est le public qui choisit ce qu'il
aime. Nous, les compositeurs, quand on a
créé quelque chose, on essaie de donner
le maximum de soi-même. On pense
toujours que le dernier morceau qu'on a écrit, c'est celui qu'on a réussi le
mieux. Et il englobe un tout petit peu
tout ce qu'on a mis, tout ce qu'on a accumulé depuis des années, des années et
des années. On pense que c'est le
résultat un tout petit peu de tout ça qui donne les derniers éléments. Ce n'est pas une véritable verité, à mon
avis. Je ne sais pas, je pense que c'est plutôt le public qui a des préférences
et c'est lui, en grand compte, le juge.
Tout ce
qui est génial est simple, voilà pourquoi on dit parfois de Votre musique
qu'elle est “simple, humble”. Mais por
que la musique ait son âme, le compositeur doit y mettre un peu de sienne.
Est-ce obligatoire ou bien Vous, en tant que compositeur professionnel, en
commencant à écrire une musique, Vous avez des thèmes préparés à l'avance dans
Vos idées?
·Quand je
commence à écrire une nouvelle musique, je pars à zéro, j'essaie d'aller dans
les éléments qui viennent sur le moment
encore, qu'on ne peut pas maîtriser, vous savez.
Il est
impossible de savoir certaines choses, mais j'ai quand même l'impression que Vous savez comment une simple
mélodie aboutit au jeu compliqué des
sentiments qui n'est permis qu'aux rares chefs-d'œuvre?
·Je crois
que c'est Debussy qui disait que la musique
c'est l'expression de l'inexplicable. On
ne peut pas savoir, on ne peut pas expliquer, on ne peut pas savoir savoir à
quel moment vous allez trouver un départ
de melodie, à quel moment vous allez trouver des harmonies qui vous
conviennent, on ne sait pas, ça vient de l'inconnu. C'est très difficile pour répondre à ce genre de questions, parce qu'on
n'a pas de réponse. Au moins, moi, je n'en ai pas.
Est-ce
qu'il vous arrivait parfois que Vous ne réussissiez à écrire une melodie et
puis il venait une idée d'un côté tout
à fait inattendue? Pourriez-Vous en donner au moins un exemple?
·Ah,
oui. Mais non, mais ça arrive, ça
arrive... Vous savez, si on était sans
arrêt, sans arrêt créateur de musique, si on se mettait devant un clavier et il
y avait tout de suite des musiques qui arrivent, comme ca, ce serait trop
facile. Non, ça demande beaucoup de travail, ca demande des reflexions, ça
demande de la passion, ça me demande énormément, énormément, a la tete, de
chercher et de savoir ou ne pas savoir justement quand les choses tiennent la
route ou pas. Vous ne pouvez pas etre
juge de votre propre travail, il n'y a
que les autres qui peuvent le juger.
Et vous, la seule chose, c'est que
vous êtes conscient de savoir que ce que vous venez de faire n'a pas été
fait encore, n'a jamais été fait, est en voie de progresser, mais sans aucune
certitude. La certitude, je crois
qu'elle n'existe pas en musique, ce
serait trop facile de se dire: “Bon, j'ai fait ça et ça, et il n'y a rien
d'autre.” La musique, c'est beaucoup
plus complexe que ça. Et donc, on n'est jamais sur de soi-même. Et c'est
uniquement avec le temps que les choses s'éclaircissent. Quand les choses
traversent le temps, cela veut dire qu'on a fait peut-être quelque chose qui tient la route, si cela a traversé des
décennies,. Il y a des choses qui passent très très vite, on les entend parce
qu'on pense que cela tient la route et puis, quinze jours après, on se dit:
“Oh...” On oublie et on pense à autre chose.
C'est très très très difficile de donner des certitudes avec la musique.
Avez-vous jamais admiré les musiques des autres maestros qui avaient réussi à créer leurs chefs-d'œuvre avant Vous ou faire des musiques plus
impressionnantes que Vous? Par exemple,
les œuvres de Nino Rota et de
Georges Garvarentz? Est-ce que les
créations de vos collègues Vous ont
jamais inspiré? Ou bien, au
contraire, quelque improvisation de Vos
thèmes musicaux Vous a-t-elle impressionné et intéressé?
· Chacun a
sa façon de travailler, chacun a son univers, chacun a sa signature, comme
avaient Nino Rota, Michel Legrand, ses grands compositeurs qui ont leur
signature... C'est un vrai bonheur,
j'espère que ce bonheur ne disparaîtra pas.
Autant que
je comprenne, les meilleurs morceaux des mélodies viennent a un compositeur au
moment le plus inattendu et inconvenable. Avez-Vous toujours eu le temps de
noter Vos idées musicales? Avez-Vous eu à regretter, si Vous n'en aviez pas le
temps, vu que la mémoire humaine est si
faible?
-
Bon, cela devient un tout petit peu le métier qui est comme ça. Si des
fois il vous arrive une réussite d'avoir
une idée à laquelle vous pensez
vraiment: “Tiens, c'est une belle idée, une bonne idée...” , vous prenez un
papier, un crayon et vous écrivez, puis, ensuite, vous la rejouez, vous voyez,
si c'était bien ou si c'était uniquement
une illusion. Bien sûr que ça arrive,
il y a beaucoup d'auteurs qui disent: “Moi, j'ai écrit cette chanson au
coin d'une table, sur une serviette.”
Bien sûr qu'on peut faire, tout ca
est possible, mais moi, ce que je
préfère le plus, c'est d'être concentré, seul, devant mes instruments, et de me
laisser aller à l'inspiration naturelle, s'il y a des moments où ça arrive,
j'en remercie le ciel. Et si ça arrive pas, mais je continue de travailler ou
j'arrete, j'écoute autre chose, je fais
autre chose, j'aime beaucoup le sport,
donc, je fais beaucoup de tennis, je fais
beaucoup de ski, donc, je peux regarder également une pièce de
théâtre, je me relaxe très différemment,
et puis, je me remets au travail. Au travail, mais ce n'est pas un travail pour
moi puisque c'est plus une passion qu'un travail. Les choses se font naturellement, voilà,
comme ça. Mais faites attention, ça me concerne, chacun est différent.
Pour un
simple observateur, il se passe des choses insolites dans le monde: les
astronautes professionnels débutent dans leur propre busyness, commencent à
s'occuper des banques, les acteurs s'adonnent à la politique et les
musiciens se prennent à promouvoir des
jeunes. Avez-Vous des projets de ce type? Ont-ils du succès?
·Si je veux
aider un jeune compositeur, je le fais avec plaisir, ou un chanteur, ou une
chanteuse... Si je peux apporter ma petite contribution, parce qu'un chanteur
ou une chanteuse ou un compositeur peuvent faire une musique... Vous savez, je
vous avoue sincèrement, j'ai un âge certain,
donc, je n'ai plus trop, trop, trop de temps... Avec Claude Lelouch,
vous savez, il me donne énormément de travail, donc, je n'ai pas trop le temps
d'aller à côté, de voir les choses qui
se passent à côté, de pouvoir faire promouvoir quelque chose, mais si
l'occasion se présente, il est certain que je le fais avec un immense plaisir.
Si un jeune compositeur qui a du talent et qui peut faire une musique d'un film ou d'un
feuilleton, c'est avec plaisir que je lui donnerai un coup de main pour qu'il
puisse le faire. Mais maintenant, moi,
je n'ai pas suffisamment de temps pour
m'occuper des choses qui sont à
côté, parce que je n'arrive même pas à
faire ce que je dois faire moi-même. Avec les films et avec les chansons que
j'ai en chantier, j'ai commencé une comédie musicale que je n'arrive pas à
terminer, j'ai plein d'autres projets qui sont en chantier et qu'il va
falloir travailler... Donc, voila, le
seul probleme dans la vie, c'est le temps, le temps, on ne peut pas le
maîtriser et on n'a pas assez de temps, il faudrait vivre deux ou trois vies
pour pouvoir tout faire.
Dans Votre
label FGL il y a un blog au contenu de photos, pour la plupart. Les “images”
dominent le texte, voilà pourquoi j'aimerais Vous demander ce qui Vous lie avec
les Chœurs de l'Armee Rouge et leur chef, le général Eliseev, dont les photos
sont nombreuses dans ce blog. Comment vous êtes-Vous lié d'amitié avec lui?
·Non, c'est
une rencontre que j'ai faite avec le ténor qui, lui, etait le soliste avec les Chœurs de l'Armée Rouge.
Bien sûr que j'adore ces choeurs, il faut reconnaître, ces chœurs sont uniques
dans le monde. Donc, c'est vrai que moi, ça a été un vrai privilège de pouvoir
rencontrer justement ce grand chef. Et
puis, c'est une merveilleuse chorale. Mais, voilà, j'espère qu'un jour j'aurai
l'occasion justement de faire quelque
chose avec eux parce que ce sont de grands solistes et tous ont des voix
particulières et très très attrayantes. Donc, effectivement, cela donne envie
d'essayer de travailler pour eux. Mais
ce n'est pas évident, ce n'est pas évident, parce que bon, ils ont leur
matériel, ils ont leur chef, ils ont tout ce qu'il faut pour que ça tourne dans
le monde entier et qu'ils aient le succès qu'ils méritent parce qu'ils ont du
succès partout ou ils partent.
Il existe
un vidéo ou Vous êtes filmé en train de jouer d'un instrument étrange. Je
l'appellerais un accordéon horizontal. Je suis sûr qu'il avait été fait sur
commande, mais pourquoi cela était-il nécessaire? Le clavier était-il plus
commode ou bien cet instrument produisait-il vraiment des sons nouveaux? Vous
servez-Vous à présent de quelque chose de pareil ou bien Vous ne vous
intéressez plus aux nouveautés?
·Moi, j'ai
toujours fait de la musique électronique, depuis toujours. J'ai eu le premier
accordéon électronique qui a existé. Je l'ai eu en 1964. Et la musique d' Un homme
et une femme, je l'ai toute écrite
avec cet accordéon électronique. Et ensuite, j'ai toujours essayé de faire des claviers accordéon parce que ça
me facilite les choses, ça me facilite la vie,
comme je suis accordéoniste au départ, et de les faire avec des sons des synthétiseurs qui venaient de
sortir, c'est-à-dire, chaque fois,
j'avais 3-4 claviers différents dont un Moog qui était avec des touches
d'accordéon, un Moog synthétiseur qui était une pièce maitresse des sons, des sons nouveaux.
Ce n'est
pas un secret qu'une belle idée rôde
tout près de plusieurs cerveaux, mais ne vient qu'au premier comme c'était le
cas avec l'invention de la radio. La mélodie Manchester et Liverpool a été
chantée des milliers de fois en Russie car elle avait accompagné la
météo à la première chaîne télévisée.
Malgré le fait que l'auteur de cette chanson soit Andre Popp, le fait dont Vous
etes au courant, sans doute, il y a
beaucoup de gens qui croient que c'est Vous qui l'avez écrite. Auriez-Vous
pu signer cette chanson? Est-ce qu'il arrive souvent qu'on Vous croie l'auteur
de quelque musique appartenant à la
plume d'un autre compositeur?
-Non,
parce que là, je refuse ça. Cela, c'est
une erreur. Cela n'a rien à voir. L'erreur est jumaine, je sais que l'erreur
est humaine, mais là, il faut la corriger. A partir d'un moment je ne veux pas
m'approprier quelque chose qui ne m'appartient pas. Pour moi, ce serait une grosse erreur,
je serais furieux quand on m'attribue quelque chose que je n'ai pas
fait. Qu'on me l'attribue parce qu'il y a peut-être une ressemblance avec quelque chose, non, non, pas du tout.
Là, je suis vraiment furieux. Ce que je
n'ai pas fait, il est hors de question qu'on me l'attribue! Cela, c'est hors de
question, là, si je sais quelque chose
pareil, moi, je ne suis pas procédurier, mais là, je serai capable de faire un
procès! Il faut corriger cette erreur, il ne faut pas laisser des choses comme
ça. Je ne suis pas au courant, je ne connais même pas ce titre, je ne sais pas de quoi il s'agit. Mais si on m'attribue ce titre, je veux et
impérativement que ce soit supprimé, du jour au lendemain je ne veux pas ce
genre de compromission, ça, c'est exclu.
Ce sont des choses graves. Si on vous attribue quelque chose que vous
n'avez pas fait, c'est très très grave parce que c'est une usure-passion de
vous-même, une usure-passion de votre signature. C'est inconcevable.
Je Vous
demande pardon de Vous avoir fatigué par cette foule de questions et de ne pas
poser, peut-être, la question la plus importante.
Je Vous
remercie d'avoir accepté cet interview, j'espère que notre entretien a réussi.
- Je pense
que vous avez le matériel qu'il faut pour puvoir faire quelque chose de
sympathique. J'espère qu'on aura
l'occasion de se reparler... Moi, je vais me remettre tout de suite au travail
avec le nouveau film qui s'appelle Chacun sa
vie et son intime conviction. C'est le titre du nouveau film de Claude
Lelouch. C'est une exclusivité
que je vous donne! Merci beaucoup et bonne soirée! Au revoir!
Je vous remercie, maestro.
Cordialement, Igor Kiselyov.
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